Anarchisme, néo- anarchisme et post-anarchisme 1
Existe - t - il un anarchisme, un néo-anarchisme et un post-anarchisme ?
Si l'on pose que : "L'anarchie n'est donc pas une réalité préexistante, mais une
construction..." (Tomas Ibanez, anarchisme en mouvement, édition Nada,2014, p.19),
une existence et non une essence, il faut concevoir que la terminologie de néo ou post-
anarchisme ne fait pas sens.
Si l'on conçoit l'anarchisme comme une production théorique et pratique, historiquement
située et déterminée; l'étant de ces mouvements entre en contradiction avec la
conception de l'anarchisme, existence en mouvement et non essence.
Il ne peut y avoir de néo ou de post - anarchisme puisqu'il n'existe pas d'anarchisme une
fois pour toute fixé dans le marbre.
L'anarchisme n'est pas un système, un système de systèmes, une grande chaîne
déterminée et orientée.
L'anarchisme est un chaos à stratifications multiples et contradictoires, comportant des
organisations partielles, déterminées et limitées dans le temps.
L'anarchisme est dans, hors et par le Temps. Il est dans l'histoire et contre l'histoire.(Nico
Berti )
L'Utopie étant ce qui na pas existé historiquement.L'anarchisme est Utopique puisqu'il
imagine le non encore étant.
L'anarchisme est création, en des temps donnés, création ontologique, création de
nouvelles formes, de nouvelles conceptions d'organisations sociales, de nouvelles valeurs, de nouveaux mythes etc ...
L'anarchisme se doit de réfuter toute hyper catégorie fondamentale de la "déterminité".
Cette dernière présuppose et mène à l'a temporalité et à la négation des facteurs de
temps.
Les évènements sont ainsi qu'ils ont toujours été et doivent aboutir à un sens pré-
déterminé, fusse - t - il la Liberté.
Pas plus que l'homme n'est réductible à la biologie ou à des convictions et croyances
pré - dominantes, l'anarchisme ne peut être atrophié de sa complexité par des
affirmations et croyances en l'existence en un absolu de l'entraide, de catégories sociales
prédéterminées à briser les chaînes de l'oppression.
L'anarchisme est mouvement. Il est création.
il convient d'opérer une véritable révolution copernicienne et cesser de penser l'homme,
de penser l'anarchie à partir de prédéterminations ontologiques (biologiques,
économiques, pulsions naturelles et mécanistes...)pour l'imaginer en posant des
paradigmes de la plénitude humaine autres et en en déduisant les défaillances de l'ordre
actuel au regard de ses nouveaux paradigmes.
En quoi le monde imaginaire de l'anarchie serait- il plus déficitaire ou déficient ou irréel
que ce monde supposé réel?
Posons pour principe que l'homme n'existe que dans et par la société ( cf
précédentes notes sur Hanna Arendt), que la société est une forme historiquement
déterminée qui implique à son tour une organisation sociale, un ordre social-historique,
répondant à de multiples imbrications et sollicitations et qu'une société correspond à des
formes auto-instituantes, créations renouvelées de l'humain en sa pluralité et en sa
socialité.
L'ordre actuel peut alors signifier désordre et, le chaos, l'ordre en devenir.
En quoi ce dernier est -il moins légitime? En quoi, ses croyances ancrées dans nos
inconscients signifient elles plus une supposée nature humaine ? En quoi la lutte de
l'homme contre l'homme est un ciment conceptuel signifiant pour une société?
Une société, une création sociale est- elle une question résolue d'avance, répondant à
des influences biologiques ou naturelles pré admises,permanentes et irréfutables ?
Une société est -elle une conception ou une pré-conception? Quelle est la part de réalités
et d'idéologie, d'adhésion volontaire ou de soumission volontaire?
La servitude volontaire est- elle si volontaire ? Ne peut on conjuguer autrement les
problématiques du pouvoir ?
Posons donc le fait que la création d'une société relève de "l'autonomie de l'être vivant".
Comme telle, une société ne se crée pas à partir de rien. Elle se doit de s'appuyer sur
des variables pré - sociales comme les données écologiques et les limites de la relation
qu'entretient l'humain avec la nature. Actuellement toute d'incompréhension et de
préhension, la société de domination de la.
L'anarchisme peut tout au plus exprimer une pluralité conceptuelle, expression de la
pluralité et complexité humaine. Soit un ensemble de pratiques,de productions
discursives, d'évènements sociétaux, de rapports sociaux, de mythes et d'une multiplicité
d'éléments symboliques...historiquement déterminé, en un temps donné..
L'anarchisme,pensé comme essence trouve son explication :
- dans une ontologie essentielle de la théorie anarchiste, fruit d' influences naturalistes
comme l'entraide ou/et historicistes;
- dans la croyance d'une finitude historique fondée sur une théorie essentialiste : " le
postulat essentialiste soutient que, en dépit des conditionnements historiques, sociaux ou
autres, auxquels il est confronté, l'être, doté d'une essence constitutive, demeure, en
toutes circonstances, fondamentalement le même." (Tomas Ibanez, anarchisme en
mouvement, édition Nada,2014, p.118)
- dans la fermeture idéologique qui a pu se produire en des temps historiquement donnés
de l'anarchisme et qui a cherché des justifications théoriques dans un prétendu corpus
théorique immuable.
Mais nous pouvons trouver des marqueurs de continuité de la pensée anarchiste avec une
partie du corpus théorique du néo et post - anarchisme:
1 les considérations philosophique de Bakounine préfigurent largement les écrits de
Castoriadis.
Prenons pour exemple le statut de l'Être chez Bakounine : "Chaque homme à
sa naissance et pendant toute la durée de son développement, de sa vie, n’étant autre
chose que la résultante d’une quantité innombrable d’actions, de circonstances, et de
conditions innombrables, matérielles et sociales, qui continuent de le produire tant qu’il vit,
d’où lui viendrait, à lui, chaînon passager et à peine perceptible de l’enchaînement universel
de tous les êtres passés, présents et à venir, la puissance de rompre par un acte
volontaire cette éternelle et omnipotente solidarité, le seul être universel et absolu qui
existe réellement, mais qu'aucune imagination humaine ne saurait embrasser ?" (Michel
Bakounine, considérations philosophiques sur le fantôme divin, le monde réel)
Ou encore ces remarques de Michel Bakounine sur la "déterminité" idéelle , forts proches
des enseignements de Cornélius Castoriadis:
" On comprend que, dans l’univers ainsi entendu, il ne puisse être question
ni d’idées antérieures ni de lois préconçues et préordonnées. Les idées, y compris celle de
Dieu, n’existent sur cette terre qu’autant qu’elles ont été produites par le cerveau."
(Michel Bakounine, considérations philosophiques sur le fantôme divin, le monde réel)
La filiation idéelle permet de rendre compte de la fatuité qui consisterait à faire table rase
des idées du dix neuvième siècle au nom d'une terminologie emprunte de modernité,
qualifiant de néo ou de post, des expressions actualisées de l'anarchisme. L'apport des
théories sur la complexité sociale est une valeur ajoutée aux intuitions de
Bakounine et autres. Elles inspirent la vie d'un mouvement de pensées en mouvement.
"Proudhon l'a dit ainsi, Bakounine aussi, Malatesta aussi. C'est la tradition anarchiste."
(Hakim Bey, the ontological status of Conspiracy Theory")